Dix ans d’errance diagnostique : un cas atypique de leishmaniose viscérale - 02/12/14
Résumé |
Introduction |
L’infection par Leishmania infantum est épidémique dans la région méditerranéenne. Sa forme viscérale peut être un défi diagnostique à cause de la grande variabilité de ses présentations cliniques. Nous décrivons le cas très atypique d’une forme rare cutanéo-muqueuse et disséminée de leishmaniose viscérale (LV) se présentant comme une maladie de système et/ou une hémopathie maligne.
Observation |
Le patient, âgé de 55ans à sa prise en charge, n’avait pas de comorbidités connues et habitait toute l’année dans le Sud de la France. Les premières manifestations étaient une bicytopénie avec une neutropénie et thrombocytopénie d’aggravation progressive. Cliniquement, on notait successivement une splénomégalie et une rhinite croûteuse. Les myélogrammes et biopsies ostéomédullaires ne permettaient pas d’établir un diagnostic hématologique ni d’orienter le diagnostic. La réalisation d’une splénectomie ne montra pas d’efficacité thérapeutique et son étude histolopathologique était non-informative. Au cours des 5 années suivantes, le patient présentait des infections cutanées récurrentes avec la persistance de la rhinite croûteuse. Le bilan immunologique était sans particularité en dehors d’une cryoglobulinémie de type II qui s’accompagnait d’une maladie rénale chronique grade 3. Une dysglobulinémie monoclonale avec une plasmocytose médullaire non clonale à 10 % étaient trouvées. Les diagnostics de myélome multiple puis de lymphome non hodgkinien furent évoqués mais pas retenus. L’apparition d’un nodule pulmonaire hypermétabolique au PET-scanner avait justifié une biopsie chirurgicale qui se compliqua d’infections respiratoires et l’installation d’une insuffisance respiratoire chronique avec oxygénodépendance. L’exploration du problème respiratoire amena au diagnostic de syndrome hépatopulmonaire – 10ans après l’apparition des premières manifestations de la maladie. La biopsie hépatique, dans le cadre d’un projet de greffe, montrait une fibrose péri-sinusoïdale avec infiltration lymphoplasmocytaire. Une fibroscopie était réalisée pour explorer les lésions granulomateuses au niveau des muqueuses ORL et des cordes vocales. Treize biopsies sur 19 identifiaient L. infantum dans sa forme amastigote, sans signe de vascularite et sans argument de lymphome périphérique. La sérologie anti-leishmaniose faite secondairement était positive. Les PCR réalisés sur les biopsies ainsi que sur le spécimen de splénectomie confirmaient le diagnostic. Un traitement par amphotéricine B liposomale fut introduit et a permis une amélioration clinique notable avec la régression des anomalies biologiques.
Discussion |
Ce cas illustre les difficultés diagnostiques que peut poser l’infection par le protozoaire L. infantum. Ses présentations cliniques, souvent trompeuses, évoquent des maladies de système ou des hémopathies malignes. La LV peut se limiter à un portage asymptomatique comme elle peut prendre des formes rapidement évolutives et fatales. L’attente muqueuse est une forme rare pouvant engager le pronostic vital. Le parasite n’est pas détecté par l’étude microbiologique de routine et la négativité des frottis médullaires est insuffisante pour exclure son diagnostic. Une PCR ciblant l’ADN parasitaire est nécessaire en combinaison avec une sérologie pour le diagnostic initial et le suivi évolutif. La forme amastigote s’attaque au système phagocytaire mononucléé. L’hypertension portale est attribuée à une vasculopathie splanchnique anormale secondaire à l’action de médiateurs pro-inflammatoires et faisant le lit de la fibrose. Les pancytopénies font parties du tableau de LV et s’accompagnent parfois de signes satellites d’auto-immunité. La stimulation antigénique chronique permettrait d’expliquer par ailleurs la dysglobulinémie monoclonale et la cryoglobulinémie. Le patient a été multiexploré pendant plus d’une décennie dans des centres d’excellence sans qu’il n’y ait été retrouvé de facteur d’immunodépression sous-jacente. Les facteurs de susceptibilité à l’infection par L. infantum restent à être identifiés. L’amphotéricine B liposomale est un traitement efficace devant être privilégié par rapport aux dérivés d’antimoine du fait d’une toxicité moindre.
Conclusion |
Le diagnostic de LV autochtone est souvent retardé à cause des manifestations variées que la maladie peut prendre. La forme cutanéo-muqueuse est rare et est grevée d’une morbimortalité importante en absence de traitement approprié. La prise en compte de l’habitus dans la démarche diagnostique aurait permis de suspecter le diagnostic plus tôt et aurait pu éviter une décennie d’incertitude diagnostique.
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Vol 35 - N° S2
P. A129-A130 - décembre 2014 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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